Dans les dernières années, le mouvement zéro déchet a pris son envol, grâce à l’influenceuse américaine Béa Johnson qui l’a popularisé en 2013. Quelques années plus tard, une première épicerie zéro déchet voyait le jour au Québec et aujourd’hui chaque région compte son épicerie en vrac à visée écologique. Ce phénomène démontre bien la progression de la pensée populaire face aux changements climatiques. Dans cette hausse de popularité médiatique, on a aussi vu apparaître des articles étoffant les impacts négatifs de ce mouvement. Plusieurs blogueur(gueuse)s, journalistes ou citoyen(ne)s se sont demandés si le mouvement zéro déchet pouvait être compatible avec le féminisme ?
Cette question est tout à fait légitime tenant compte que les femmes sont encore aujourd’hui responsables en grande majorité des tâches liées à la maison. Selon statistiques canada, en 2015, les femmes passaient en moyenne 3,9 heures par jour à effectuer un travail non rémunéré (c.-à-d. ménage et soins à prodiguer), soit 1,5 heure de plus que les hommes (2,4 heures). Cet écart augmente lorsque l’on cumule les tâches faites en simultané (ex : préparer le souper tout en s’occupant des enfants). Puisque le courant zéro déchet invite les adeptes à refuser, réduire, réutiliser, recycler et composter le matériel dans leur vie, on peut rapidement concevoir que ce mouvement soit plus typiquement introduit dans les familles par les femmes. Les actions entreprises par les femmes peuvent être de cuisiner davantage (confection soi-même de pain, yogourt, collations, repas complets, etc.), de faire ses propres cosmétiques et produits ménagers, d’organiser les achats dans plusieurs petits commerces de quartier et autres. Sans compter que lorsqu’on commence à s’interroger sur les impacts environnementaux de nos choix, plusieurs questions nous assaillent : « Suis-je mieux d’acheter un produit bio et non emballé ou un produit local? » « Suis-je mieux de me déplacer en voiture pour aller à l’épicerie zéro déchet ou d’aller à pied à l’épicerie du coin? »
Des féministes se sont penchées sur la question et se demandent si le mouvement zéro déchet ne représente pas une forme d’oppression supplémentaire pour la femme et si ce mouvement ne force pas les femmes engagées à mettre beaucoup d’effort dans les actions individuelles plutôt que de s’impliquer dans des actions collectives sur la place publique?
À mon avis, il est trop simpliste de mettre la faute sur le mouvement zéro déchet et de le clamer comme un mouvement anti-féministe puisque ce phénomène de prise en charge de l’implantation du mouvement dans les ménages par la femme n’est que le reflet d’un problème bien plus large. Le réel problème se trouve dans l’héritage du rôle des genres si assidument légué de générations en générations alors que notre monde, lui, change. Dans une société de performance, chaque aspect de nos vies devient un moyen de se démarquer de nos pairs et d’atteindre la perfection : travail, école, parentalité, sports, alimentation, loisirs, spiritualité et la quête d’un mode de vie plus vert n’y échappe pas.
Cette démarche s’accompagne souvent d’une culpabilité malsaine qui nous rappelle sans cesse que si notre empreinte écologique n’est pas réduite au minimum, nous n’obtiendrons aucun gain. Les femmes, étant les principales personnes en charge de la gestion et des tâches domestiques, se retrouvent donc avec un double fardeau soit :
1) répondre aux besoins de la famille et
2) ne pas nuire aux générations futures en intégrant à leur routine des gestes verts.
Mais alors que faire? En tant que femme, comment peut-on harmoniser nos valeurs et nos actions, devenir une inspiration pour ses pairs et se servir du mouvement zéro déchet comme méthode d‘émancipation?
La réponse est loin d’être simple et implique de changer des rôles sociétaux qui sont bien installés depuis des générations. Cependant, si on ramène la question à un niveau plus micro, il importe de se questionner lorsque l’on veut intégrer de nouvelles habitudes à savoir : pourquoi je le fais et jusqu’où je suis prête à aller pour être en accord avec mes valeurs? D’abord, le mouvement zéro déchet ou minimaliste invite à un retour aux bases et à une simplification du mode de vie, alors pourquoi celui-ci devrait-il rajouter un stress supplémentaire? La réponse se trouve dans le fait que le monde continue de tourner à la vitesse grand V même quand on essaie de ralentir. Quand bien même que nos intentions sont bonnes et que notre volonté est infinie, il faut prendre en compte les limites imposées par la société : le temps. Sans chercher à être parfaite (on nous le demande déjà dans toutes les sphères de notre vie), c’est important de choisir les actions qui nous donnent le plus l’impression d’être en congruence avec nos valeurs : transport actif, magasiner en vrac, acheter usagé, cuisiner davantage, etc. Un peu comme l’adoption d’une saine habitude de vie, ces actions devraient apporter plaisir et satisfaction pour qu’elles soient durables.
Également, qui a dit que les actions « individuelles » ne pouvaient pas devenir des actions collectives? Dans un monde idéal, pourrait-on se servir de ce mouvement pour se rapprocher en tant que collectivité? Est-ce que l’éveil des consciences n’appellerait pas au retour du troc et de l’entraide? Chaque ménage se donne la pression de tout faire, mais pourquoi ne pas se rassembler pour mieux faire? On pourrait profiter des forces de chacun pour diminuer le stress collectif. Échange de savon maison contre une réparation de vêtement, réparation d’un meuble de bois contre un bon pain maison, service conseil de comptabilité contre des objets usagés. Les possibilités sont infinies.
Finalement, il ne faut pas oublier que le zéro déchet est avant tout un mouvement collectif. Oui, des actions peuvent être entreprises dans les ménages, mais des actions doivent être entreprises au niveau politique en ce qui concerne, entre autres, l’exploitation des ressources et la gestion des déchets. Il faut donc cesser de se taper sur la tête et de mettre toute la pression sur nous.
Chères femmes, je vous dis merci de vous impliquer dans cette cause. Servons-nous de nos actions pour mettre en lumière notre dévouement et notre force d’engagement. Faisons rayonner la réflexion et l’action féminine dans la lutte aux changements climatiques.
Je vous laisse sur des mouvements inspirants menés par des femmes :