Aimé naturellement chez le bébé, essentiel pour nourrir les cellules du cerveau et les muscles, pointé du doigt comme l’ennemi des maladies chroniques, on le compare souvent aux drogues addictives, bien qu’il soit essentiel à la vie. Comment un ingrédient à l’apparence si inoffensive peut causer autant d’émoi ?
Origine
Le sucre blanc ou le sucre de canne est un produit résultant de plusieurs transformations mécaniques. En effet, le sucre tel que nous le connaissons provient soit de la canne à sucre ou de la betterave. Le jus est d’abord extrait, puis nettoyé et par la suite cristallisé. L’étape ultime est la centrifugation qui crée finalement le sucre raffiné.
Différent du sucre naturellement présent dans les fruits, les produits céréaliers et les produits laitiers, le sucre raffiné a longtemps été réservé exclusivement aux populations les mieux nanties. La production massive du sucre par des populations vulnérables accentue le paradoxe de cette agriculture. 40% des emplois dans les pays en voie de développement sont en lien avec l’agriculture, ce qui représente internationalement plus de 15 millions d’emplois directement en lien avec la production de sucre (Richardson, 2009). Le sucre, si accessible et peu dispendieux est pourtant synonyme de pauvreté, d’esclavage, d’injustices, d’obésité et d’insécurité alimentaire…
En 2014, le Québec a importé pour 507,6 millions $ de sucre et sucreries
choisiréquitable.org
Choix durable
Soumis à un commerce qui se veut plus équitable par des lois et politiques mises en place dans les dernières années, le sucre demeure un produit controversé, qui s’attache aux scandales, s’établie dans nos cultures, tout en marquant l’histoire. Aujourd’hui associé aux aliments ultra transformés, il est difficile de croire qu’il était une denrée rare, excessivement dispendieuse et réservée à la classe bourgeoise durant la Première Guerre mondiale (Prichard, 1939).
En choisissant une agriculture durable et surtout équitable, le consommateur a un impact direct sur les enjeux liés à ce commerce. En 2018, on a ainsi remarqué une hausse de plus de 20% des « étiquettes » des produits équitables et biologiques. Globalement, ces petits changements permettent une meilleure distribution des richesses au niveau des producteurs, une amélioration de leur qualité de vie, ainsi qu’une légitimité des infrastructures et des normes de travail
Le sucre et la santé
Souvent associé aux maladies, le sucre raffiné est avant tout ajouté à notre alimentation, plutôt qu’en être un aliment de base. Voilà la première différenciation à faire. Pour mieux comprendre la distinction entre le sucre naturel et industriel, voici quelques mythes entourant la consommation de cet or blanc…
1. On peut vivre sans sucre
Tout est dans la nuance et dans quel type de sucre, mais globalement non !
Bien que contesté par certains régimes bannissant le sucre, il faut comprendre que le sucre sous forme de glucose est essentiel pour nourrir les cellules de notre cerveau. En effet, ce macronutriment apporte l’énergie au quotidien pour un fonctionnement normal de notre cerveau. N’étant pas capables de faire des réserves, nous devons donc consommer au moins 120g de sucre, sous forme de glucose à tous les jours. Si les neurones n’en reçoivent pas suffisamment, elles sont à risque de s’atrophier et donc de mourir. C’est un peu ce qui se passe avec l’âge et c’est d’ailleurs ce qui est observé dans le vieillissement et l’apparition des troubles cognitifs ou de mémoire, comme l’Alzheimer (Nugent et al., 2016).
Il est donc difficile de s’imaginer vivre sans glucose, surtout que le sucre apporte une bonne source d’énergie et de calories qui nous permettent de bouger et de penser. Par ailleurs, les choix alimentaires que nous faisons font toute la différence sur l’expression de notre santé.
2. Le sucre est responsable de l’obésité
Ce sont davantage les aliments ultra-transformés, riches en plusieurs autres ingrédients de moins bonne qualité qui peuvent en être responsables…et bien d’autres facteurs !
Voilà une affirmation qui a longtemps fait les grands titres. Encore une fois, il importe de mettre en contexte pour mieux comprendre les effets d’une consommation accrue de sucre et la santé métabolique, voir l’obésité. Premièrement, l’obésité n’est pas seulement une résultante d’apports alimentaires excessifs et surtout sucrés, mais plutôt d’une multitude de facteurs environnementaux, sociaux, politiques et même génétiques. Il est très difficile de mettre un seul coupable responsable de l’augmentation accrue de l’obésité dans nos sociétés et donc impossible de dire que c’est la faute du sucre. Encore une fois, il faut bien différencier le sucre naturellement présent dans les aliments et celui qu’on ajoute aux aliments ultra transformés.
Ces aliments, qui sont d’ailleurs riches en sucre rapide, en matières grasses et faibles en fibres et en protéines qui sont en partie responsables de l’augmentation des calories de moins bonne qualité dans la population et donc de l’augmentation du poids corporel ou des problèmes de santé.
En réduisant au maximum les aliments ultra transformés dans notre alimentation et en cuisinant davantage les aliments de base, nous nous rapprochons des éléments essentiels pour l’atteinte d’une bonne santé physiologique.
3. On devrait manger moins de fruits car ils sont riches en sucre
Quand on se demande si on doit manger moins de fruits…il y a un problème dans les messages entourant la saine alimentation, les fruits ont toujours été associés à la santé
Les fruits, naturellement riches en sucre, comme le glucose, le fructose et le galactose, sont également composés d’une bonne quantité de fibres alimentaires, de vitamines et de minéraux. Ils apportent ainsi de l’énergie au corps, nourrissent nos cellules et améliorent le bon fonctionnement de nos systèmes. Ainsi, ils font partie intégrante d’une alimentation saine et plus nous en consommons, plus nous améliorons notre santé physique ainsi que notre bien-être général (Gehlich et al., 2020).
Ici, il importe de distinguer le sucre raffiné (industriel) du sucre naturel présent dans les aliments non transformés et composant notre alimentation de base. On retrouve le sucre naturellement sous différentes formes dans les aliments. Il peut être sous forme d’une molécule (monosaccharide) comme le glucose, le fructose et le galactose, de deux molécules (disaccharides) ou plusieurs molécules (polysaccharides).
Les fruits, les produits céréaliers, les légumineuses et les produits laitiers sont naturellement composés de molécules de sucres, présents sous différentes formes. C’est donc via ces aliments qu’il est recommandé de subvenir à nos besoins en sucre. Par ailleurs, ces aliments sont également riches en plusieurs autres bons éléments, que ce soit des vitamines et minéraux, des fibres alimentaires et des protéines. Ce sont ainsi des aliments à intégrer en majorité dans une alimentation saine.
Quelques idées pour réduire votre consommation de sucre raffiné tout en faisant des choix équitables et variés :
Purée de dattes
Sirop d’érable
Miel du Québec
Sucre de canne biologique et équitable
Compote de pomme maison
Purée de courge ou de citrouille
Pépites de sucre d’érable
Le juste milieu
Évidemment, l’équilibre alimentaire se trouve dans la diversité et la variété. Bien qu’il existe des guides pour orienter nos choix alimentaires et que les recommandations en matière de santé sont unanimes sur les bienfaits de consommer majoritairement des aliments non transformés, il n’est pas malsain de consommer de façon modérée des aliments de moins bonne qualité nutritionnelle. De plus, en visant la variété plutôt que la restriction, il vous sera plus facile de manger en pleine conscience et surtout d’apprécier une panoplie d’ingrédients et d’aliments. En intégrant par exemple des alternatives de sucre, vous découvrirez de nouvelles recettes, d’étonnantes saveurs et surtout plus de plaisir à cuisiner et à déguster.
En cette veille d’Halloween, ne soyez pas trop exigeants envers vous-même, créer des souvenirs mémorables et heureux avec vos enfants, lâcher votre fou, devenez une licorne ou un super héros et surtout sachez apprécier pleinement une poignée de sucreries…
…parce que comme dans tout, « C’est la dose qui fait le poison »
RÉFÉRENCES
Gehlich, K. H., Beller, J., Lange-Asschenfeldt, B., Köcher, W., Meinke, M. C., & Lademann, J. (2020). Consumption of fruits and vegetables: Improved physical health, mental health, physical functioning and cognitive health in older adults from 11 European countries. Aging & Mental Health, 24(4), 634-641.
Nugent, S., Castellano, C., Bocti, C., Dionne, I., Fulop, T., & Cunnane, S. (2016). Relationship of metabolic and endocrine parameters to brain glucose metabolism in older adults: do cognitively-normal older adults have a particular metabolic phenotype? Biogerontology, 17(1), 241-255.
Prichard, W. (1939). The Effects of the Civil War on the Louisiana Sugar Industry. The Journal of Southern History, 5(3), 315-332.
Richardson, B. (2009). Sugar: refined power in a global regime: Springer.